Du côté d'Hippias...

« Dis-moi ce qu'est le beau et non ce qui est beau » voilà la grande question que pose Socrate à Hippias. Car le beau pour beaucoup de personnes est le plus souvent subjectif, on dit chacun ses goûts cela ne se discute pas, oui mais , la culture artistique est avant tout culture, culture de la sensibilité, culture de l'œil qui regarde bien au-delà du goût, la peinture est le fruit d'un travail, de multiples choix de propositions liées à l'expérience intelligente et sensible.

L'art s'apprend, sur le chemin de la quête du beau, c'est un savoir à acquérir et aussi une transgression, l'histoire de l'art en est une preuve par son évolution constante.

C'est pourquoi, l'association « les rencontres d'Hippias » a mis en place des lieux de recherches et de rencontres,permettant d'expérimenter l'acte de peindre mais aussi d'aller chercher dans son inconscient les images, les symboles qui nous ont construits comme on peut le faire la parole du conteur ou le son du tambour chamanique.

L'art est un grand réconciliateur écrivait Jean Pierre Changeux, neurologue dans son livre « ce qui nous fait penser » c'est pour cela que ces ateliers sont des lieux de rencontres, rencontres avec les autres, avec soi, avec la peinture, pour aller toujours plus loin dans le plaisir de créer et par là de se récréer.

Textes et écrits sur l'Art

A quoi peut bien servir l'art ? Si ce n'est à transmettre quelque chose du sensible qui ne peut se dire autrement.
L'artiste n'est pas que cet être narcissique qui se montre, s'expose pour recevoir l'approbation, il est avant tout canal et son rôle est de matérialiser l'ordre du sensible pour le partager.
Ce que nous expérimentons tous les jours simplement en regardant, en contemplant est capté, cerné, transformé par l'intermédiaire du support artistique pour devenir émotion esthétique.

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La pratique de l'artiste

L'artiste lorsqu'il pratique son art est totalement libre puisqu'il est seul et en même temps, contraint d'assumer toutes ses décisions c'est en cela qu'il est créateur.

Qu'il laisse l'œuvre venir à lui ou qu'il se batte avec elle, il demeure le seul à décider de ce qu'elle sera ou ne sera pas. Ce qui peut expliquer qu'il soit si difficile de parler de la pratique artistique, de parler avec un artiste de son travail, parce que l'acte matérialisant sa peinture, ne peut être l'objet de quelque chose qui s'offre facilement à la discussion.

Quand le poète René Char dit « Le monde de l'art n'est pas le monde du pardon » on peut l'entendre comme le monde de ce qui ne peut faire l'objet de compromis, de réserves mais celui de l'affirmation totale et cela vaut autant pour le créateur que l'amateur d'art dans la réceptivité de l'œuvre.

On peut toujours penser qu'un tableau aurait pu se faire autrement, qu'une couleur aurait pu être différente mais ce n'est pas ce que pense le peintre quand il estime qu'il a fait son travail parce qu'à ce moment là c'était cette couleur et par une autre, il n'y a pas de discussion possible.

Que sa réalisation ne soit pas comprise, aimée ou jugée mal appropriée est un autre problème. On ne crée que dans un acte en situation d'urgence, qui met l'artiste face à lui-même, où il est seul à décider de ce qu'il faut faire. On pourrait voir dans cette attitude, une forme d'orgueil, de prétention, de toute puissance, d'enfermement de la pensée, mais ce n'est pas le cas, car ce n'est pas la supériorité du moi qui ne veut pas dialoguer ni échanger avec les autres mais l'expérience unique et solitaire de l'homme dans l'ordre de l'accomplissement. C'est pourquoi on peut dire que l'artiste est l'homme entier par excellence.

Si on ressent souvent la pratique artistique comme exceptionnelle, n'est-ce pas parce que tout être humain a besoin d'un espace où il peut révéler l'expression d'une pensée qui ne suit pas une logique habituelle, faite d'émotion, de rêve, d'imaginaire, une pensée qui pénètre partout, parle du plus insignifiant au plus invraisemblable, ce lieu de liberté, où se jouent autant l'expression des émotions, des sentiments que l'exercice du jeu des formes et des couleurs, en ayant raison sans rendre raison.

Et c'est l'œuvre aussi totale et personnelle qu'elle puisse paraître qui fait lien entre l'artiste et les autres hommes, au cœur d'une recherche qui nous concerne tous parce que dans ce champ artistique la force du langage liée à la subjectivité de l'artiste est la manière la plus puissante pour dire notre être au monde.

(Nelly Roman, extrait Mémoire sur « la création artistique, mise en relation de la pensée des philosophes et des peintres sur la pratique de l'artiste » novembre 1999)

L’art chacun ses goûts :

Beaucoup de personnes se demandent ce qu’est la peinture, pour quoi tel tableau se vend plus cher qu’un autre ?

Y a-t-il une bonne peinture ou une mauvaise peinture ?

La question est épineuse, aussi épineuse que lorsqu’on se lance sur l’idée de Dieu.

Pour moi, la réponse tient au fait qu’on oublie que la pratique artistique est une culture. Une pensée comme il existe une pensée mathématique, une pensée philosophique. Nelson Goodman, philosophe de l’art, dans son livre « manière de faire des mondes » dit que nous appartenons à des mondes différents qui correspondent à des systèmes de pensées différentes. On peut faire que ces mondes se répondent, comme dans le livre d’Etienne Souriau, « la correspondance des arts », mais ce qui est certain c’est que la manière d’appréhender l’art, n’est pas la même que celle d’une logique grammaticale ou mathématique, c’est une pensée qui s’est nourrie d’observations et de culture, au-delà de la réponse commune des goûts et des couleurs on ne discute pas.

L’art et en particulier la peinture, n’est ni au dessus ni au dessous des autres pratiques, comme on peut le voir malheureusement dans l’enseignement des arts plastiques en système scolaire, c’est un lieu de pensées qui travaille avant tout sur des formes, des couleurs, des symboles, des rythmes en les organisant plus ou moins harmonieusement et intelligemment Ceux qu’on appelle « grands » peintres, ont su capter, organiser, ces systèmes, alors beaucoup sont restés plus pauvres en gardant des procédés très communs pour rendre compte de ce qu’ils voyaient.

Bien sûr il y a aussi l’émotion esthétique, ce qui nous touche profondément, soit inconsciemment soit subtilement, mais cela peut exister aussi dans le domaine des mathématiques, une équation peut être belle, comme dans le sport une passe au foot jubilatoire…mystère de l’émotion esthétique qui nous pousse à dire « cela ne s’explique pas » et pourtant pour faire naitre une émotion il faut tant de facteurs qui l’y amènent !

Restons donc, prudents sur les « a priori » il faut prendre le temps de voir, d’apprivoiser, de sentir…des surprises sont au bout du chemin, si on se donne les moyens d’aller plus loin, d’entrer dans un autre système de mettre en place d’autres façons de saisir le monde.

(Nelly Roman, notes et contre notes sur la vie artistique)

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